Mehdi Barsaoui : on peut tous être cinéastes !

Mehdi Barsaoui : on peut tous être cinéastes !

Partager

Du soleil, un café tardif sur fond musical… c’est par une matinée de printemps où il fait bon parler cinéma que nous avons rencontré Mehdi Barsaoui sur la terrasse de l’un des bistrots de la capitale.

 

Plusieurs fois primé pour ses courts-métrages, le jeune réalisateur de 32 ans est avant tout un Tunisien qui vit cette période exceptionnelle de changements et en profite pour s’en inspirer et développer son art.

 

Fan d’aviation et d’aéronautique, assidu d’Air crash sur National Geographic, il regarde souvent «On est pas couché» sur France 2 où il puise ses lectures du jour qu’il partage avec sa maman. Il aime le cinéma d’Ignarito, le «cinéma sans artifice qui va directement vers l’émotion». Il s’intéresse aussi au cinéma de Katell Quillévéré, de Maïwenn, de Valérie Donzelli, ou encore d’Asghar Farhadi.

 

Optimiste, évoquant une «bonne énergie» propice à la créativité, il décrit la Tunisie comme un «énorme laboratoire» dans lequel nous vivons actuellement et se laisse prendre à notre jeu : parler à bâtons rompus du cinéma, de la vie, de lui...

 

silencepalais.png
Capture du film "Les silences du palais" de Moufida Tlatli avec Mehdi Barsaoui au milieu

 

Un adolescent dissipé

 

Pour l’enfant qui a fait une apparition dans «Les silences du palais» de Moufida Tlatli en 1994, la route qui mène au cinéma n’était encore pas toute tracée.

 

On a beau naître dans une famille de cinéastes, on ne devient pas cinéaste pour autant. Eh oui, un papa réalisateur et un frère producteur ne sont pas forcément les ingrédients nécessaires pour que l’alchimie se produise et que l’on baigne dans le domaine du 7e art. Au contraire, se décrivant comme «timide» qui «ne va jamais vers les gens» Mehdi a fui les plateaux de tournage dans un premier temps et même quand il a étudié le cinéma c’est le montage qu’il a choisi et non la réalisation.

 

Ce sont ses petits écarts de jeunesse, «rien de grave cependant» tient-il à préciser, quand il était lycéen qui ont influencé son choix. «J’étais bon élève et puis je me suis un peu écarté du droit chemin, je suis devenu dissipé, j’ai changé de fréquentation…».

 

Le cinéma est alors apparu comme une illumination dans sa vie lui permettant de se rattraper «on se réinvente plusieurs fois quand on est auteur». Et pour quelqu’un qui écrit quasiment tout le temps, le pari est plutôt réussi. «On peut se projeter dans une autre vie, on peut faire ce qu’on n’a jamais pu faire» nous dit-il.

 

 

Un cinéma de proximité

 

Pour Mehdi Barsaoui, le cinéma de l’après 14 janvier a fait sauter les barrières entre les cinéastes et les gens. Il n’y a plus cette caste d’intellectuels d’un côté et le peuple de l’autre.

 

Ces dernières années ont vu naître un cinéma plus proche des gens avec des sujets qui touchent tout le monde.

 

Son cinéma à lui s’inspire de cette société en mouvement, ses scénarios naissent d’un déclic, d’un moment du quotidien.

 

Le personnage de Nouri Bouzid (Baba azizi) dans «On est mieux comme ça» est né d’un moment qu’il passait avec sa maman à scanner de vieilles photos. C’est là qu’il a appris qu’à son décès, on a découvert des olives dans la poche de sa grand-

mère, qui ne devait bien entendu, pas en manger. (Court venu rompre le stress du court moment de plaisir, exercice.)

 

Nouri Bouzid qu’on voit rarement devant les caméras a d’ailleurs flashé sur ce rôle qu’il revendiqué dès sa lecture du scénario. «Tu ne fais pas de casting, c’est moi le vieux».

 

Auteur, monteur, réalisateur, il travaille actuellement sur son premier long-métrage qu’il développe grâce au Sundance lab et dont le tournage débutera probablement en 2018.

 

 

Qui est Farès?

 

«Bobby», «À ma place», «On est bien comme ça», ou alors le long-métrage en préparation ont tous un point commun. Oui ils ont tous été réalisés par Mehdi Barsaoui mais en plus, le personnage principal s’appelle toujours Farès, il est tantôt enfant, tantôt adolescent, il sera adulte dans le prochain film, il grandit avec l’œuvre. Qui est Farès? Personne ne sait.

 

Selon un critique italien, Farès est le chevalier qui sauve un chien, une famille ou peu importe… du moment qu’il sauve.

 

Il traverse les étapes de la vie, raconte à chaque fois une histoire unique à laquelle le spectateur peut s’identifier.

 

«Mon rêve serait qu’un jour on fasse un collectif itinérant et qu’on investisse avec notre matériel, nos expériences pour aller vers les plus jeunes et qu’on les initie au cinéma»

 

Ce rêve, Mehdi espère le concrétiser dans quelques années avec ses camarades cinéastes et techniciens du cinéma, parce qu’il croit en un cinéma accessible à tous et partout en Tunisie. Un cinéma qui ne soit pas élitiste mais qui permette à tous ceux qui le voudront de raconter, comme lui, des histoires. «On peut tous être cinéastes» conclut-il.

 

 

Crédit photo cover :Abdel Belhedi pour studio 25